« J’ai failli me pendre » : l’alerte d’un apiculteur vendéen

Le retour d’un pesticide toxique pour les abeilles est en débat au Parlement. En Vendée, les apiculteurs tirent la sonnette d’alarme.

Apiculteur qui s’occupe de sa ruche – Photo d’illustration

« J’ai failli me pendre », témoigne Yves Delaunay. L’apiculteur vendéen, vice-président de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), a connu les pires années pour ses ruches.

« Avant les néonicotinoïdes, je récoltais 80 kg de miel par ruche. Après leur arrivée, c’est tombé à 5 kg. Une perte énorme. »

Il alerte aujourd’hui sur un possible retour de ces insecticides, via une proposition de loi (la loi Duplomb) adoptée au Sénat début mai, portée par le sénateur LR Laurent Duplomb.

Une loi qui fait bondir

Le texte prévoit, entre autres, la possibilité d’autoriser à nouveau l’usage de certains néonicotinoïdes (pesticides) pour certaines cultures comme la noisette ou la betterave. Ce produit est pourtant interdit en France depuis 2018.

« Ce serait un désastre », dénoncent élus de gauche, apiculteurs et scientifiques, qui étaient réunis en conférence de presse à l’Assemblée le 7 mai dernier, comme le rapporte l’AFP.

La Vendée, touchée de plein fouet

Dans les années 1990, la production de miel s’effondre dans tout le pays. Yves Delaunay raconte : « Mes colonies s’effondraient à la floraison. On passait de 70 000 à 20 000 abeilles. Elles mouraient désorientées, incapables de retrouver la ruche. »

Il exploitait alors 1 000 ruches en Vendée.

D’après le CNRS, la production de miel en France a été divisée par deux en vingt ans. Et les populations d’insectes ont chuté de 70 à 90 % dans les zones agricoles intensives.

Ce que dit la science

Les néonicotinoïdes attaquent le système nerveux des insectes pollinisateurs. Certains, comme l’acétamipride, restent des années dans les sols. Leur toxicité est décuplée au contact d’autres produits agricoles, comme les fongicides.

Selon Philippe Grandcolas, chercheur au CNRS, cela entraîne aussi des pertes de rendement pour les cultures : « Jusqu’à 30 % de pertes pour le colza, car trois quarts des plantes ont besoin d’être pollinisées. »

Et pour l’humain ? Plusieurs études pointent des risques pour la santé : troubles neurologiques, perturbations hormonales, effets possibles sur le développement du cerveau des enfants. L’EFSA a évoqué des risques potentiels sur le système nerveux. D’autres recherches soupçonnent un lien avec certaines maladies neurodégénératives comme Parkinson. D’autant que ces substances peuvent persister des années dans les sols et contaminer les nappes phréatiques.

Une filière en danger

Pour Yves Delaunay, revenir en arrière serait une catastrophe pour l’environnement, mais aussi pour l’agriculture dans son ensemble.

I »l ne faut pas opposer apiculteurs et agriculteurs. On a besoin de travailler ensemble. »

La FNSEA, de son côté, soutient le texte, évoquant un besoin de relancer certaines filières et de « simplifier les contraintes » pour les agriculteurs.

Et maintenant ?

Le texte doit être examiné à l’Assemblée nationale fin mai. D’ici là, les apiculteurs vendéens espèrent être entendus.

« Il ne faut pas reproduire l’erreur. On ne s’en relèverait pas », conclut Yves Delaunay.

Auteur/autrice

  • Je viens du monde de la radio, où chaque mot compte. Aller à l’essentiel, écrire le moins pour dire le plus, c’est ma façon de travailler.Après avoir été journaliste dans plusieurs régions de France, j’ai choisi de raconter les histoires d’ici, en Vendée. Des récits de vie, des initiatives locales, une information gratuite, réfléchie et bienveillante, accessible à tous.Avec Vendée Gazette, je veux informer sans cliver, éclairer sans juger. "Le plus compliqué, c’est de faire simple", une devise qui guide ma plume, au service du local et des gens.

    Voir toutes les publications

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *